10 juin 2006
6
10
/06
/juin
/2006
20:46
Bien, soyons sérieux et revenons un peu sur le billet d'hier.
La conception occidentale de la poésie en fait une chose un peu hors de portée du commun des mortels. Il s'agit soit de respecter une versification rigoureuse, soit d'être visité par les Muses, soit d'être la proie d'une exaltation qui fait du poète un être à part, vaguement inadapté à la vie réelle, tel l'albatros de notre Baudelaire. Je ne parle même pas de la poésie hermétique de Mallarmé et autres, ni de la poésie moderne, parfois un peu difficile à suivre.
Face à cela, nos dix-sept syllabes peuvent en effet passer pour "un petit poème à la con". Face aux sonnets, balades et autres immenses pièces de vers ou de prose que nous avons étudiées enfants, que pèsent les haïkus, si ténus qu'ils dérangent à peine le silence?
Tout simplement le poids de ce qu'ils ne disent pas, mais suggèrent.
Le haïku est issu d'une culture et d'une tradition entièrement différentes des nôtres. L'implicite, le non-dit est bien plus important que ce que l'on dit. On cite souvent en exemple les célèbres vers de Paul Verlaine:
Jusque-là, tout va presque bien: évocation de la nature, mot de saison. Je dis "presque" à cause de la métaphore. Et puis vient la suite:
Patatras. Tout est dit. La perspective ouverte se referme. On n'imaginera plus rien, on partagera les états d'âmes du poète, si explicitement exprimés. Nous n'avons pas le choix. Attention, ce n'est pas une critique, du reste j'adore Verlaine, il s'agit juste de faire comprendre par cet exemple si souvent repris que le haïku, ce n'est pas juste trois lignes parlant de nature.
Laissons parler Henri Brunel dans Sages ou fou les haïkus?
J'ai souligné ce qui me paraissait important. Je n'ai pas grand chose à ajouter à cette analyse. Lisez-là et relisez-là, tout est là. Puis, relisez les haïkus d'Issa et revenez me dire si vous pensez qu'il s'agit de petits poèmes à la con.
La conception occidentale de la poésie en fait une chose un peu hors de portée du commun des mortels. Il s'agit soit de respecter une versification rigoureuse, soit d'être visité par les Muses, soit d'être la proie d'une exaltation qui fait du poète un être à part, vaguement inadapté à la vie réelle, tel l'albatros de notre Baudelaire. Je ne parle même pas de la poésie hermétique de Mallarmé et autres, ni de la poésie moderne, parfois un peu difficile à suivre.
Face à cela, nos dix-sept syllabes peuvent en effet passer pour "un petit poème à la con". Face aux sonnets, balades et autres immenses pièces de vers ou de prose que nous avons étudiées enfants, que pèsent les haïkus, si ténus qu'ils dérangent à peine le silence?
Tout simplement le poids de ce qu'ils ne disent pas, mais suggèrent.
Le haïku est issu d'une culture et d'une tradition entièrement différentes des nôtres. L'implicite, le non-dit est bien plus important que ce que l'on dit. On cite souvent en exemple les célèbres vers de Paul Verlaine:
les sanglots longs
des violons de l'automne
des violons de l'automne
Jusque-là, tout va presque bien: évocation de la nature, mot de saison. Je dis "presque" à cause de la métaphore. Et puis vient la suite:
blessent mon coeur d'une langeur monotone.
Patatras. Tout est dit. La perspective ouverte se referme. On n'imaginera plus rien, on partagera les états d'âmes du poète, si explicitement exprimés. Nous n'avons pas le choix. Attention, ce n'est pas une critique, du reste j'adore Verlaine, il s'agit juste de faire comprendre par cet exemple si souvent repris que le haïku, ce n'est pas juste trois lignes parlant de nature.
Laissons parler Henri Brunel dans Sages ou fou les haïkus?
Les mots du poème cueillent un instant fugace de notre vie, ils saisissent la réalité la plus banale, la plus quotidienne, et presque, nous la jettent au visage. Ils ont pour mission de nous obliger à regarder la réalité autrement, à la découvrir jaillisante et neuve, à la voir. Ensuite les mots du poème s'évanouissent pour ne pas retenir indûment l'attention, ne pas faire écran. Rude métier.
J'ai souligné ce qui me paraissait important. Je n'ai pas grand chose à ajouter à cette analyse. Lisez-là et relisez-là, tout est là. Puis, relisez les haïkus d'Issa et revenez me dire si vous pensez qu'il s'agit de petits poèmes à la con.