Suite à un post élogieux de
Jéremiah Burlington, post qui m'a à la fois touché et gêné car j'ai toujours du mal à recevoir les éloges (aïe! Christine va me psychanalyser sur ce coup-là!), je vais faire un petit retour sur l'écriture du haïku.
Par sa brièveté, son économie de moyens et d'effets, par son apparente simplicité, le haïku fait envie. Ce n'est que lorsqu'on tente l'exercice que l'on s'aperçoit que la chose n'est
pas si facile.
Toutefois, le haïku n'est pas qu'une question de technique, sans quoi tout le monde en écrirait, ce qui serait d'ailleurs peut-être une voie vers un monde meilleur.
Par ordre d'importance, je dirais qu'il faut:
- une disponibilité
- un oeil
- une voix
La
disponibilité: je parle d'une disponibilité d'esprit. Il faut être prêt à
accueillir l'instant haïku. Qu'est-ce que
l'instant haïku? C'est celui que l'on vit plus intensément, celui qui, pour des raisons parfois obscures - et dont on se moque, on n'est surtout pas là pour les analyser - vous paraît plus intense, en relief en quelque sorte. C'est celui qu'on a envie de fixer, de partager, de transmettre, celui qui a paru comporter un supplément de vie, et qu'on ne veut pas laisser partir sans lui rendre justice. La conscience, car c'est d'elle qu'il s'agit, ne doit donc pas être brouillée par les soucis, la colère ou tout autre mouvement mental perturbateur, car l'instant haïku est par définition fugace et souvent très subtil. En ce sens, le haïku favorise le lâcher-prise et, quoi qu'on en dise, a des liens difficilement contestables avec
le Zen.
Un
oeil: le haïku est souvent la poésie des petits détails. C'est souvent le léger décalage entre la réalité observée par tout le monde et le petit plus repéré par le haïjin qui fait la différence et amène l'instant haïku. Poésie du vent, de l'eau et des bestioles diverses, le haïku ne peut exister sans ce regard différent posé sur les situations apparemment les plus banales, mais où l'oeil du haïjin saura voir quelque chose de plus.
Une
voix: à ne pas confondre avec une facilité de plume plus ou moins innée, et qui pourrait être plus nuisible qu'autre chose dans le format réduit du haïku. Il me semble que la voix se trouve avec le temps et le travail. Epurer, ne garder que l'essentiel, sans toutefois tomber dans la sécheresse. Il est des haïkus de douze syllabes qui vous peignent un monde (Marcel, si tu me lis...) La voix finit par émerger des essais, des erreurs, il n'y a pas de recettes pour cela. Certains livres techniques (tel celui de
Philippe Costa) peuvent aider, mais la technique d'écriture ne fait pas tout. Sans coeur, sans âme, la plus belle technique ne produira que des tercets morts.
En conclusion, la première des choses à faire est de lire des haïkus, beaucoup de haïkus. Des classiques japonais en 5-7-5 (
Bashô,
Buson,
Issa,
Ryôkan ...), des libres (Hosaï,
Santoka ...), des francophones (voir la liste de liens que je propose).
Ensuite? essayez, essayez encore et l'envie fera le reste. Si vous voulez écrire des haïkus, achetez un carnet qui devra vous accompagner partout (sous peine de mésaventure comme
celle-ci). Et lancez-vous! Au début, se couler dans le moule du 5-7-5 sera un bon moyen selon moi de vous habituer à ne dire que l'essentiel, à ne pas partir dans les grandes envolées lyriques que nous avons tous appris au lycée et dont le haïku ne s'accommode absolument pas, tout comme des rimes d'ailleurs. Ensuite, vous pourrez tout doucement vous en écarter en toute connaissance de cause.
Bonne chance, et n'hésitez pas à venir poster un haïku dans un commentaire ici. Je serai heureux de vous lire.